top of page

Loyautés familiales et exclusion : le syndrome du "vilain petit canard"




Chaque famille a ses règles propres : elles ont été édictées dans les remous de l’histoire, forgées par la culture dominante, ou par des croyances religieuses, ou encore par des conclusions tirées d’expériences ou traumas vécus par certains membres de la famille. Ces règles et ces principes sont généralement véhiculés par les « chefs » de famille, et transmises de manière plus ou moins consciente au fil des générations.


Si on ne sait plus nécessairement d’où ces croyances et préceptes tirent leurs origines, ils continuent malgré tout d’être véhiculés et nous les suivons, la plupart du temps, sans les remettre en question, qu’ils soient justes ou non.


En voici quelques exemples :


« Ce sont les hommes qui héritent de l’entreprise familial et du patrimoine »

« Il n’y a pas de gays chez nous ! »

« Il est hors de question de divorcer, personne ne divorce dans cette famille »


Ces règles viennent d’une certaine manière cimenter l’esprit du clan et, dès lors que l’on déroge à certaines de ces règles, la menace de l’exclusion et du rejet surgit.


Pour rappel, à un certain niveau, le système familial agit comme un seul corps, ou une seule « âme », dont l’intégrité et la survie passent avant l’accomplissement de ses membres. Cet esprit de corps est à l’origine de nos loyautés inconscientes.


Bien sûr, le rejet n’est pas systématique, et l’exclusion symbolique ou réelle n’aura lieu que dans les familles où règne une rigidité particulière, qui atrophie la possibilité de leurs membres d’évoluer sur leur propre chemin.


Cela se remarque à la manière dont certaines personnes se sentent obligées de cacher et nier leurs propres convictions, leur vraie nature, quitte même à s’empêcher de concevoir une nouvelle carrière professionnelle, ou d’imaginer qu’il y a une autre manière de vivre ses relations amoureuses. Ces règles invisibles peuvent tellement façonner notre façon de penser qu’elles créent comme des œillères, qui nous empêchent d’imaginer un parcours ou une vision du monde différents.


On peut consciemment se dire, « je ne veux surtout pas vivre comme ma mère et avoir des relations de couples déplorables » et au niveau inconscient, par loyauté, répéter exactement le même type de schéma car dans la famille, la croyance transmise est « les femmes s’écrasent et sont le soutien de l’homme ».


Cela peut créer parfois un véritable tiraillement intérieur, dont on n’a pas toujours conscience, entre notre loyauté fondamentale vis-à-vis de nos parents et ancêtres, et nos désirs profonds. Ces loyautés peuvent être si puissantes qu’on peut en venir à se saboter soi-même, se renier, et dans une certaine mesure se sacrifier.


Par exemple : on rate plusieurs fois le concours qui nous permettrait de vivre de notre passion parce que « on ne peut pas gagner sa vie en tant qu’artiste, il faut un métier stable »


Ou encore : on reste dans un mariage toxique parce que dans notre culture, ça ne se fait pas de partir, et on risquerait d’être renié par la famille.


Ou bien : On ne parvient pas à atteindre la prospérité financière car notre réussite viendrait à trahir la culture ouvrière de notre famille et sa lutte « contre les riches ».


La loyauté aux règles inconscientes se traduit dans nos élans bloqués, dans des sentiments de culpabilité profonds, et s’accompagne parfois d’un sentiment de danger : déroger aux règles édictées reviendrait à risquer l’exclusion et donc la perte du socle qui nous a permis de survivre.


Rappelons-nous qu’un bébé ou un enfant n’a aucun moyen d’assurer sa survie seul, il dépend entièrement d’une personne et plus largement d’un groupe, généralement sa famille, qui répond à ses besoins primaires. Inconsciemment, l’exclusion peut donc parfois être associée à un risque de mort. C’est aussi pourquoi nous développons une fidélité sans faille, une loyauté parfois aveugle, même dans les pires circonstances, même dans une enfance faite de traumas et de carences, à ceux qui nous ont permis d’être là. Ces liens sont profonds, puissants, pour le meilleur et pour le pire.



La profondeur de ces liens s’exprime aussi à travers les générations, dans les répétitions de situations d’exclusion et de rejet.


  • Nous pouvons inconsciemment reprendre à notre compte la vie d’un membre de notre famille qui a été exclu injustement :


Exemples (tirés de mes séances) :


Un grand-oncle a été déshérité car né d’une union illégitime, il se retrouve sans rien et vivra dans une forme d’indigence toute sa vie. Deux générations plus tard, un des descendants cumule les pertes financières, une situation de faillite qui le laisse démuni et le coupe de toute vie sociale.


La première femme du grand-père est morte en couche, il se remarie et a d’autres enfants. La première épouse tombe dans les oubliettes de l’histoire familiale et n’a jamais été reconnue (quand bien même c’est de son sacrifice, de sa mort, que les enfants de l’union suivante tiennent leur vie). Une des petites filles du grand-père ne parvient jamais à avoir d’enfants sans qu’on ne décèle aucune raison médicale.


Par une forme d’identification inconsciente à ceux qui ont été injustement traités et non-reconnus, les descendants répètent l’histoire jusqu’à ce que l’invisibilisation prenne fin.


  • Le mécanisme de rejet a également tendance à se poursuivre de génération en génération jusqu’à ce qu’un descendant parvienne à couper la chaine de ces transmissions.


Comme toutes les blessures (abandon, humiliation, injustice, trahison), le rejet rebondit sur les générations suivantes en une chaine infernale.

On remarque très souvent, même si ça peut être difficile parfois à s’avouer, que les blessures que nous portons, et dont on attribue souvent la faute à nos pères et mères, nos parents l’ont eux-mêmes vécus en tant qu’enfant.


Exemple : Une femme s’est sentie toute sa vie rejetée par sa mère, qui la jugeait et la critiquait beaucoup, et qui semblait lui préférer son frère. Elle grandit dans le sentiment qu’elle n’était pas désirée et jamais à la hauteur des attentes de sa mère. Elle développe une hyper exigence envers elle-même, un désir d’être irréprochable pour ne plus jamais avoir à revivre cette souffrance. Mais sans s’en rendre compte, ce qu’elle craignait le plus, être comme sa mère, s’installe : son intransigeance envers elle-même se tourne automatiquement vers les autres. A son tour devenue mère, des conflits commence à éclater avec ses propres filles qui s’éloignent d’elle : le sentiment de rejet réapparaît, et son monde semble se dérober sous ses pieds.

Il apparaît que cela n’a pas commencé avec elle, car cette femme a grandi dans une famille où les filles étaient considérées comme « inutiles », « une bouche de plus à nourrir », et traitées comme des boniches. La grand-mère elle-même n’a eu que peu de considération pour sa fille dans le but de l’endurcir et d’avoir une aide en plus à la maison. Chacun se rejette la faute, et les relations se distendent, jusqu’à parfois complètement couper les ponts.



Que faire quand on vit dans ce sentiment de rejet ou d'exclusion?


D’abord, on prend le temps d’identifier ces règles et ces croyances qui ont été véhiculées.

Que ce soient les injonctions et les répétitions liées à la vie professionnelle, aux relations de couple, le rapport à l’argent et à la réussite, les croyances sur la chance, la vie, les autres, etc… Prenez vraiment le temps de vous poser et de noter tout ce qui vous vient.


Demandez-vous : qui a transmis ses règles ? Qui les a érigées ? De quelle histoire découlent-elles, de quels drames ? De quelles injustices ?


Demandez-vous : Qui a été exclu, oublié de l’histoire familiale ? Est-ce que je ressens un lien, une connivence particulière avec ces personnes-là (même si vous ne les avez jamais connus) ?


Vous pouvez également vous demandez : Suis-je le premier à être traversé par ses sentiments-là, à vivre ce type de situation ? L’un de mes parents n’aurait-il pas vécu la même chose ? Est-ce que je ne le comprends pas plus que je ne le crois ?



Dans le monde, chaque personne a sa place.


Quoi qu’on ait pu vous dire, quoi que vous ayez vécu, vous avez votre place dans le système familial.

L’appartenance est la loi fondamentale qui structure l’âme de la famille et elle ne fait aucune discrimination. Chacun a le même droit d’exister dans sa propre individualité et dans ses désirs.

Chaque fois que quelqu’un est oublié ou exclu, le système se charge de corriger ces injustices en les mettant à nouveau à jour.


Vous êtes peut-être celui ou celle désigné(e) pour révéler ces manquements du système pour les réparer.


Peut-être vous sentez-vous différent, comme « le mouton noir de la famille », le marginal, la rebelle. Alors c’est peut-être aussi par vous que la résolution peut émerger et la nouveauté apparaître.

C’est à vous de laisser derrière les loyautés mortifères et de prendre maintenant de cette histoire ce qui vous nourrit et vous porte, de vous reconnecter aux racines fécondes et fortifiantes.

Car il y a aussi dans ces liens des cadeaux et des forces insoupçonnées.


Il est temps de regarder les choses telles qu’elles ont été, non plus dans la rancœur et le jugement, qui ne font que perpétuer les souffrances du passé, mais avec un œil neuf, dans l’amour et la compassion, pour rendre hommage à ceux qui sont partis, rendre à chacun ce qui lui appartient, et vous donner la chance, à vous, et ceux qui vous suivent, de vivre librement et de prendre toute votre place dans le monde.


 

Si vous souhaitez explorer ces questions de loyautés familiales, de croyances et de place, vous pouvez envisager un travail en Psychogénéalogie ou en Constellations familiales.



Pour découvrir ces pratiques :




Comments


bottom of page